Face au renouvellement rapide de leurs données opérationnelles, à la transformation de leurs stratégies, et à l’emballement de l’innovation technologique, les organisations développent une attention paradoxale pour la documentation de leurs activités. Les principes de base de la gestion des risques les incitent à offrir une protection de longue durée à leurs données.
Mais les organisations ont-elles raison de limiter le rôle de l’archivage à son rôle de préservation de la mémoire sur le long terme ? Et si l’archivage permettait autant de préserver le passé que de préparer le futur ?
C’est justement parce que la production et la péremption des données opérationnelles s’accélère, que les organisations doivent apprendre à les conserver sur une longue durée. Grâce à l’historique de leurs activités, celles qui s’engagent trop vite dans un développement hasardeux peuvent revenir sur leurs pas ; d’autres peuvent comprendre et reproduire les clés de leur succès.
Pour ce faire, les organisations ne peuvent pas se contenter d’une simple sauvegarde, qui a pour objectif premier de parer à un désastre ou à un accident et qui ne garantit pas la préservation longue durée. Seul l’archivage les autorise à viser une conservation et si besoin une accessibilité de leurs données sur plusieurs décennies. Il s’accompagne de solutions de lutte contre les cyber-menaces, telles que l’air gap qui conserve une copie des fichiers offline, inaccessible aux attaques. Au-delà de la cyber-sécurité, l’archivage vise la conservation du patrimoine digital des organisations.
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Des mesures de cyber-résilience comme l’air gap ne sont pas sans rappeler un autre vaste projet de protection de longue durée d’un patrimoine. La Réserve mondiale de semences du Svalbard (ou Svalbard Global Seed Vault) est un ambitieux projet international de préservation du patrimoine génétique des cultures vivrières de toute la planète.
Située sur l’île norvégienne du Spitzberg, dans le cercle polaire, cette immense chambre forte isolée préserve actuellement un catalogue impressionnant : plus de 980 000 échantillons issus de 300 plantes cultivées sur les cinq continents. Ils sont maintenus à une température de -18°C pour une conservation optimale. Les spécialistes testent régulièrement, et avec succès, leur réintroduction dans un milieu cultivé.
De même que le Svalbard Global Seed Vault, les serveurs d’archivage veulent jouer le rôle d’une capsule temporelle, en préservant les informations et les savoirs vitaux de l’entreprise à un instant t. Face à l’accélération du développement des écosystèmes informations – ou pire, en cas de sinistre - les données du passé éclairent le futur de l’entreprise.
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En 2020, la principale valeur ajoutée de l’archivage de fichiers ne réside pourtant plus seulement dans la préservation longue durée des données. Ce serait négliger son rôle capital dans l’émergence des nouvelles technologies basées sur l’intelligence artificielle ou sur l’apprentissage machine (machine learning).
Ce sont les données historiques et archivées qui alimentent aujourd’hui les modèles mathématiques prédictifs de ces nouveaux outils dans de très nombreux secteurs (agronomie, industrie, astronomie, chimie, finance, etc.). Grâce à ces nouvelles technologies, l’archivage de données anticipe et construit le futur de l’organisation, à partir de la préservation de son passé.
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Les projets ambitieux qui exploitent le potentiel prédictif de l’intelligence artificielle se multiplient depuis plusieurs années.
L’un d’entre eux, celui de la modélisation des dynamiques historiques par le biologiste Peter Turchin, utilise la puissance du Big Data de façon particulièrement visionnaire. Alors que l’histoire reste un domaine de recherche souvent limité par l’isolement des experts, Peter Turchin et son équipe révolutionnent ses méthodologies en facilitant l’analyse systématique de très larges volumes de données historiques. Les historiens en tirent plus facilement des conclusions qui leur permettent non seulement de mieux comprendre le passé, mais aussi d’anticiper le futur. L’équipe de Peter Turchin s’est ainsi spécialisée dans la détection de modèles d’instabilité politique à travers plus de 450 sociétés, à travers toutes les époques et la plupart des pays du monde. Elle s’estime désormais à même d’émettre des avertissements lorsque ses outils détectent des modèles d’instabilité similaire dans les sociétés actuelles. Elle avait par exemple prédit une période politique difficile pour les sociétés britannique et américaine – une anticipation qui semble malheureusement se vérifier dans les faits.
De l’instabilité d’une société à celle des activités d’une organisation, le parallèle est vite établi. Grâce à l’intelligence artificielle, l’archivage de données devient la clé de n’importe quelle stratégie de développement.
Les données archivées préservent le patrimoine d’une organisation dans le temps, ou même envers son oubli pur et simple. Mais elles sont aussi, et surtout, un élément indispensable de la préparation de son développement optimal, grâce aux nouveaux outils basés sur une intelligence artificielle prédictive. Et l’IA a besoin de carburant – des données- pour tirer son épingle du jeu. Les gisements à haute valeur ajoutée résident souvent dans les données anciennes froides et archivées.
L’archivage de fichiers n’est donc pas seulement une mesure défensive et réactive de gestion des risques légaux. Si l’organisation adopte une approche proactive, elle peut prendre une longueur d’avance sur son avenir.
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