Face à l’explosion du volume de données, qui devrait atteindre 175 zettaoctets en 2025, les supports de stockage traditionnels semblent atteindre leurs limites. Et avec l’essor de technologies comme l’IA et le Big data, la croissance des données prévoit d’être exponentielle. Et s’il existait un support numérique inégalé en termes de densité d’informations, de longévité et écoresponsable pour stocker 70% des données mondiales ?
Si depuis les années 1990, biologistes, généticiens et chimistes étudient le stockage ADN, ce n’est que récemment que la piste de l’ADN Drive est sérieusement envisagée. Cette technologie, développée et brevetée par deux chercheurs de la Sorbonne et du CNRS, pourrait apporter une réponse très prometteuse aux besoins mondiaux en stockage.***
L’idée de l’ADN Drive est d’utiliser des mécanismes hérités de la biologie pour éditer et copier facilement les données sur des grands fragments d’ADN. Concrètement, il s’agit de plasmides ou chromosomes encodés par synthèse biologique, biosécurisés et lisibles par des séquenceurs aussi petits qu’une clé USB.
La technique d’encodage consiste à transformer la donnée binaire (0 ou 1) en une série de lettres qui constituent la base d'une molécule ADN : A, T, C et G. Pour la lecture, l’algorithme de l’ADN Drive permet de reconvertir les données en informations binaires, puis de les décompresser pour retrouver les fichiers d’origine.
Les informations sont contenues dans une capsule d’ADN lyophilisée, et pour décoder l’information, il convient d'ouvrir la capsule et réhydrater l’ADN avec une goutte d’eau.
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Selon l’Académie des technologies, il existe plusieurs avantages majeurs au stockage ADN. Tout d’abord, le support offre une grande longévité puisque la durée de conservation de documents sur ADN synthétique avoisine les 50 000 ans (contre 5 à 10 ans pour les supports actuels). Chaque capsule peut contenir une quantité d’ADN correspondant à 5000 To de données numériques.
Ensuite, le stockage ADN nécessite de faibles besoins en énergie. Avec un extérieur en acier inoxydable et un intérieur en verre, les capsules qui contiennent les informations permettent d’encapsuler l’ADN sous atmosphère inerte. Ainsi, l’ADN est protégé des dommages du temps. Un avantage majeur quand on sait que les datacenters qui accueillent les supports de stockage traditionnels (optiques, bandes, disques...) consomment 2% de la production électrique mondiale et que cette consommation devrait atteindre les 13% à l’horizon 2030 !
Enfin, contrairement aux données numériques, les informations stockées sous forme d’ADN (et avant d’être converties sous forme de données numériques) peuvent être facilement copiées et détruites totalement.
Récemment, la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et la Déclaration de la femme et du citoyen de 1791 ont rejoint les Archives nationales, conservées sous forme d’ADN. A l'avenir, tous les types d’informations numériques pourraient être stockés par le biais de cette technologie.
Les Archives nationales ne sont pas les seules à attendre beaucoup de l’ADN Drive. Des géants du numérique comme Microsoft, ont mis au point une machine qui écrit et lit automatiquement des informations numériques dans l’ADN. Dans cinq à dix ans, le stockage ADN devrait conquérir les marchés de l’archivage culturel, de la conservation de films et musiques, des données scientifiques et celui des informations sensibles et confidentielles qui nécessitent d’être reproduites facilement, sans laisser de traces.
Même si la synthèse de l’ADN reste un processus encore chronophage et onéreux (il faut plusieurs jours pour encoder un fichier et une heure pour le lire, et 1 trillion de dollars pour écrire 1 million de Go de données sur de l’ADN), le stockage ADN reste très prometteur. Comme avec toutes les technologies innovantes et disruptives, le coût de l’encodage devrait diminuer à mesure qu'évoluent les coûts en énergie et en sécurité. Quant au temps, l’idée la plus judicieuse est d’utiliser ce type de stockage pour les données “froides” qui ne nécessitent pas d’être consultées immédiatement et pour lesquelles on peut se permettre d’attendre le temps de décodage d’un fichier ADN. A terme, le stockage ADN devrait être une formidable alternative à l’archivage des grands volumes de données.
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